Habitude d’étudiant peut-être (j’étais sur les bancs de la fac il y a encore trois ans), j’ai toujours pris le soin de prendre des notes des conférences et débats auxquels j’avais le plaisir de participer.
Dernièrement, c’est la conférence « Comment la France a tué ses villes », organisée le 7 mars dans l’auditorium de la Halle aux sucres, par l’agence d’urbanisme de Dunkerque, qui a retenu toute mon attention.
Sans formalisme particulier, je vous invite à retrouver une partie du contenu des débats dans les quelques lignes suivantes, bonne lecture !
Orateurs :
- Olivier Razemon. Ce journaliste indépendant est l’auteur d’un ouvrage récent sur le thème des difficultés des villes moyennes confrontées à la fermeture de leurs commerces et aux départs des plus riches de leurs centres-villes.
- Patrice Duny, directeur de l’agence d’urbanisme de Caen Normandie Métropole, pour évoquer la situation de Caen (107 000 habitants) et les actions entreprises localement pour rendre le centre-ville attractif.
« Urbis le mag » (webzine de l’Agence d’Urbanisme de Dunkerque) a consacré un article sur le sujet (plus de 400.000 vues) : http://www.urbislemag.fr/comment-la-france-a-tue-ses-villes-billet-356-urbis-le-mag.html
Le centre-ville, un sujet dont on ne parlait pas et qui n’est toujours pas abordé dans le programme des candidats pour l’élection présidentielle.
Tous les centres-villes sont impactés par la dévitalisation à l’exception :
- Des très grandes métropoles et de certaines grandes comme Lille (bien que cela soit encore différent selon les quartiers). Cela s’explique car il y a beaucoup d’habitants, de travail. Les courses se font à pied, les habitants font de petites distances et cela bénéficie à la consommation de proximité.
- Des villes touristiques où les achats immobiliers et les touristes font vivre la ville, comme le Touquet.
- Les villes et bourgades isolées, comme en moyenne.
A Dunkerque : le centre-ville est touché, ainsi que des quartiers de la ville. Selon l’Insee : 6% de logement vide, alors que la moyenne nationale est de 7%.
Parmi ceux qui s’intéressent au sujet, on retrouve la caisse des dépôts, qui accompagne les acteurs de la ville et les élus, or la caisse se concentre sur le centre-ville tout en laissant de côté les autres quartiers, les riches et les pauvres, qui font partie de la ville. Ce reproche se retrouve également dans les politiques qui visitent une ville seulement sous l’angle du centre-ville, sans l’apprécier dans son ensemble.
Les projets en France en ce moment : construire de grands centres commerciaux en dehors des villes. « Pour attirer ceux qui viennent de loin ». Cette construction est en décalage avec la consommation puisque cette dernière ne croie presque pas alors que la création de zone commerciale est de +2 ou 3%. Il n’y a aucun rapport entre la construction et les besoins. Pour M. Razemon, dans un centre commercial, on n’est qu’un consommateur alors que dans la ville, on y vit quotidiennement et on n’est pas résumé à un porte-monnaie.
Solution : stopper l’étalement commercial. Certains maires en sont conscients mais les élus doivent savoir résister aux promesses des promoteurs (emploi, attractivité, …). Pour résister, il faut expliquer les effets délétères de l’étalement aux élus locaux : s’ils n’en sont pas conscients, ils peuvent pas l’expliquer à la population.
Également, les élus doivent se poser une question à chaque fois qu’une décision est prise sur de nouveaux équipements : quels sont les effets sur la ville, le déplacement, les flux, … les élus et habitants se constituent parfois en association pour lutter contre des projets.
IL faut encourager la balade urbaine. Pour cela, façonner des trottoirs de tailles conséquentes, sinon, les habitants évitent le quartier et prennent leur voiture.
Il faut des espaces publics de qualité qui encourage le piéton et le vélo qui est, selon l’orateur, la prolongation de la marche à pied.
Autre problème dans les villes : le stationnement. Pour éviter de systématiquement rajouter du stationnement, qui génère beaucoup de nuisances, il existe des solutions comme le bus à haut niveau de service (BHNS comme à Dunkerque), mettre en valeur les parkings, (les indiquer, les nommer, les mettre au même prix, installer des facilités de paiement par smartphone
Présentation de la ville de Caen (107k habitants) par Patrice Duny, directeur de l’agence d’urbanisme de Caen Normandie Métropole :
C’est une ville reconstruite qui ne connaît pas de « concurrent » à 100 km à la ronde, de ce fait, l’offre commerciale de la ville dépasse largement ses frontières. La ville a été reconstruite pour permettre l’accès aux voitures. Le centre-ville devrait être commerçant, or les commerces qui fonctionnent le mieux de trouvent dans le vieux centre non détruit, où la circulation en voiture est chaotique.
A Caen, il existe une offre commerciale périphérique très importante. Malgré cela, le centre-ville n’est pas entièrement mort. En revanche, ce sont dans les quartiers que les commerces sont presque tous partis : c’est le commerce périphérique qui les ont tués.
Mauvaise expérience d’Ikea : Caen a tout fait pour que Ikea s’installe. L’entreprise a promis à la ville un ensemble commercial particulier, durable, avec des produits de la maison innovant etc. Or au dernier moment, Ikea a annoncé qu’il n’était pas possible de faire ce concept novateur et que le projet devait être retravaillé pour livrer un classique centre commercial. De ce fait, ce 6ème centre a fait concurrence avec les autres.
Il est recommandé d’écouter les promoteurs immobiliers avec moins de naïveté.
Intervention de l’adjoint au commerce de Dunkerque : pourquoi les élus se font souvent « avoir » par les promoteurs quand ceux-ci annonce la création d’emploi au moment de la construction de centre commercial.
Réponse des orateurs : à surface égale (entre des petits commerces et la grande distribution), il y moins de recrutement sur les centres commerciaux. La destruction d’emploi lié aux centres n’arrive que bien après l’installation, elle n’est donc pas visible. Quand les personnes se retrouvent sans emploi, on a déjà oublié l’ouverture du centre commercial 5 ans auparavant. Pour ne pas se « faire avoir », il faut obliger les promoteurs à réaliser un travail reprenant le nombre d’emploi annoncé et le potentiel de destruction possible à un horizon de 3, 5, 10 ans.
Ce qui compte dans une ville, ce n’est pas la création d’emploi mais aussi la consommation de richesse : Il faut ramener les dépenses dans la ville.
Idée des orateurs pour la promotion du centre-ville : organiser une journée « ville vivante » qui mettrait en avant tous les commerces, les parkings, les lignes de bus etc.
